8 janvier 2019 – The Whale Sanctuary Project –
Article de Lori Marino
L’été dernier, j’ai écrit un article sur les tentatives de sauvetage de Scarlet (J50), une orque de quatre ans qui avait été observée alors qu’elle était malade et affamée. Scarlet faisait partie de la population des orques résidentes du sud aux États-Unis, une population officiellement menacée, décimée par les captures effectuées par les parcs marins dans les années 1960 et 1970, puis par les eaux toxiques, la pollution acoustique et le manque de nourriture.
Scarlet avec son pod le 9 août 2018 Photo: ©Katy Foster/NOAA Fisheries, permit #18786 |
Malgré les efforts de l’équipe de secours appelée par la NOAA, Scarlet est décédée en septembre 2018. Sa disparition est survenue alors que Tahlequah (J-35), une jeune maman orque, a porté son bébé décédé durant 17 jours avant de finalement le laisser partir.
Tahlequah – Photo : ©Robin W. Baird-Cascadia Research Collective |
Nous avons tendance à penser à l’extinction en termes de populations et d’espèces, mais le fait d’avoir participé à l’effort de sauvetage d’un seul individu faisant partie d’un groupe en voie d’extinction m’a amené à réaliser qu’il s’agissait là d’une expérience très personnelle pour les individus qui la subissent. L’extinction, c’est tomber malade et avoir du mal à survivre et voir tous ceux que vous aimez vivre la même agonie. C’est là que vit l’extinction : dans le cœur et l’âme de chaque animal.
Tout cela s’est produit pendant une année sombre durant laquelle la population d’orques de cette région a chuté à seulement 74 individus, sur une période de 35 ans.
Dans une déclaration inquiétante, Ken Balcomb, directeur du Center for Whale Research (Centre de recherche sur les mammifères marins), a depuis déclaré qu’il cesserait de compter lorsque leur nombre tomberait à 70.
Princess Angeline (J17) Photo : ©Center for Whale Research under DFO SARA permit 388 |
Et maintenant, encore de mauvaises nouvelles : deux autres orques résidentes du sud sont-elles aussi affamées et en mauvaise santé.
Les photos de Princess Angeline (J-17), âgée de 42 ans, montrent qu’elle a la « tête en cacahuète », avec une perte de graisse autour du cou, ce qui est un signe de grave famine. Quand à Scoter (K-25), un jeune mâle qui a perdu sa mère en 2017, il ne parvient pas à se nourrir.
En effet, les deux orques sont en si mauvais état que Ken Balcomb en est certain : « Nous allons les perdre d’ici l’été ». Et le fait que Princess Angeline soit la matriarche de son groupe familial rend ces problèmes encore plus alarmants.
Scoter (K25) – Crédit photo : ©SR3/NOAA SWFSC, CORI |
Peu de temps après avoir eu des nouvelles de Princess Angeline et de Scoter, un email d’un collègue m’a fait prendre conscience de l’enjeu émotionnel de cette situation.
Il a écrit qu’en raison des liens familiaux étroits des orques, de leur intelligence complexe et de leur conscience de la situation, « chaque membre de la société prendra conscience que son tour viendra, qu’il souffrira, comme ont déjà souffert les membres de sa famille et ses amis ». En d’autres termes, ces orques savent qu’elles sont en train de disparaître. Elles ne peuvent certainement pas connaître la définition du manuel de l’extinction de masse ou de la science de la diversité génétique. Mais elles peuvent néanmoins savoir que quelque chose leur arrive à toutes et qu’à un moment donné, il n’y aura aucune d’entre elles.
Crédit photo : ©Holly Fearnbach / NOAA |
Il n’y a aucun moyen de leur dire que nous essayons de les aider :
un groupe de travail créé par le gouverneur de l’État de Washington, Jay Inslee, a recommandé dans l’urgence qu’un certain nombre de mesures soient prises immédiatement. Nous ne savons même pas si ces suggestions seront pleinement appliquées, ni si elles seront efficaces ou tout simplement si c’est suffisant ou trop tard.
Quoi qu’il en soit, le Whale Sanctuary Project sera prêt à aider de toutes les façons possibles, comme nous l’avons fait l’été dernier pour Scarlet. Mais les intérêts commerciaux et politiques peuvent l’emporter sur les besoins des orques résidentes du sud. Et au final, tous, nous ne pouvons qu’attendre de voir si les États et les gouvernements fédéraux décident de laisser disparaître les unes après les autres, les orques résidentes du sud.
C’est sans doute London Fletcher, un écolier de 11 ans, fervent défenseur des mammifères marins, qui exprime le mieux l’urgence de la situation quand il nous
écrit : « Il est temps de se réveiller et de sentir l’odeur de l’extinction ».
Traduction : C’est assez !
Source : Extinction – What if They Know ?