C'est assez

Dauphins et décence

Un article de Richard O’Barry paru dans le St Lucia Times le 27/02/2017

Si l’on considère que les dauphins et les baleines occupent cette planète depuis au moins 50 millions d’années et que les êtres humains existent depuis moins d’un million, on se demande comment on a pu exercer un contrôle sur eux aussi rapidement. 

Leur cerveau est plus gros que le nôtre. Ils sont plus grands et plus forts, plus rapides, plus élancés et de manière générale, ils ont une constitution plus parfaite que la nôtre. Et pourtant, alors que nous avons réussi à dominer 30% de la planète (correspondant à la surface se trouvant au-dessus de l’eau) dans un laps de temps très court, on peut conclure que les dauphins et les autres cétacés sont les espèces dominantes des 70% restant de la planète, à savoir l’eau.

En fin de compte, nous sommes chacun au sommet de nos mondes respectifs, les cétacés dans l’eau, nous sur terre. 

Lorsque l’on analyse l’horizon de nos similitudes, il est clair que nous sommes en réalité très semblables. Nous sommes tous deux des mammifères par exemple ; et des mammifères de premier ordre puisque nous sommes conscients de nous-mêmes et presque parfaitement adaptés à nos mondes respectifs. 

Comme tout mammifère, nous respirons de l’air, les mères de chacun des deux mondes allaitent leurs bébés et vivent en groupes familiaux soudés qui construisent un mode de vie à la base de règles sociales, maintenant ainsi un équilibre, à l’image du concept de juste milieu dans la Grèce antique.

En tout cas, c’est vrai pour les dauphins et les autres cétacés.

À quel moment a-t-on dévié de cet équilibre ? Que s’est-il passé pour que de nombreux humains se soient laissés brutalement embarquer dans l’exploitation de nos alter-ego occupant les 70% du monde ? Pourquoi capturons-nous ces superbes créatures et pourquoi en faisons-nous des objets de divertissement ? Et curieusement, on semble prendre encore plus de plaisir à les capturer, à les extirper de l’océan, l’un après l’autre. 

À partir du moment où on comprend ce qu’il se passe, comment est-il possible d’y prendre du plaisir ? Si on comprend ce qu’il se passe, comment pouvons-nous le tolérer ? Et de quel droit les personnes qui exploitent les dauphins et les autres cétacés le font-ils sans la moindre étincelle de conscience ?

La plupart des pays n’accepteraient pas une telle exploitation, à l’exception de la seule raison qui la justifie : l’argent. 

La plupart des pays ont des lois contre la maltraitance animale. Ces lois ont même vu le jour au début du 19e siècle. Évidemment, ces lois ont des failles car, malgré tous les efforts déployés, présenter des dauphins au public pour de l’argent est désormais une industrie multimilliardaire. Elle est composée de chasseurs de dauphins, de fournisseurs, de transporteurs, de négociants, de constructeurs de parcs, de soigneurs… La liste est longue et ils encaissent tous de l’argent. 

Certains pays l’autorisent car ils ont de plus gros problèmes à gérer. D’autres pays n’y voient aucun inconvénient. D’autres encore le permettent pour la mauvaise raison : la pédagogie. Ils prétendent que beaucoup de gens ne verront jamais de dauphins. À l’exception des delphinariums. 

Or, personne ne verra jamais de léopards des neiges, de tigres à dents de sabre, ou de dodos. Cet argument est fallacieux car les delphinariums n’ont rien de pédagogique, c’est même le contraire. Ils ne présentent pas des dauphins dans leur habitat naturel, mais des dauphins entraînés, entraînés à faire les clowns pour notre monde.

Il est facile d’affirmer que nous ne sommes personnellement pas responsables du sort des dauphins et autres cétacés. Et c’est vrai. On ne les capture pas nous-mêmes, on ne les place pas nous-mêmes dans des mini chambres de torture, et nous ne retenons pas leur nourriture jusqu’à ce qu’ils exécutent des sauts acrobatiques pour notre plaisir. Nous ne sommes pas responsables, aucun d’entre nous ne l’est, comme nous ne sommes pas responsables des meurtres, des incendies criminels, des kidnappings etc. dans le monde. Nous ne sommes pas responsables d’une, parce que nous ne commettons pas ces actes et deux, parce que nous avons contribué à voter des lois contre ces agissements, des lois qui punissent sévèrement ces actes et qui expriment notre désir de les éradiquer de notre monde. Nous votons des lois contre les meurtres, les kidnappings et tout le reste non pas parce que nous avons une conception abstraite de la société mais parce qu’on en a juste assez. On en a marre. Nous sommes révoltés par ceux qui capturent des dauphins dans la nature et les emprisonnent pour le restant de leur vie.

Si les mots, la logique, la raison, les faits et l’histoire suffisaient à détruire cette industrie de la captivité qui a perverti nos vies, elle appartiendrait au passé depuis longtemps. 

Nous avons besoin de plus que des mots ; nous voulons des lois pour les arrêter. Nous savons que cela ne se fait pas du jour au lendemain. Cela peut même prendre des années. Nous devrons même faire quelques concessions. Mais il est désormais temps de mettre fin à ce fléau maintenant ou nous n’en verrons pas le bout de notre vivant.

Traduction : Julie Labille pour C’est assez ! 

Crédit photos : ©The Dodo / ©Dolphin Project/LIA

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *