C'est assez

La science et le bien-être ne justifient pas le maintien de la reproduction des cétacés

25 janvier 2021 – Un article de Julie Labille pour C’est assez ! 

1/ La reproduction en bassin, un faux indicateur du bien-être animal

Les delphinariums nous rappellent trop souvent que l’arrêt de la reproduction des cétacés captifs serait néfaste pour les animaux, comme si on devait réduire l’activité des dauphins à manger, se reposer, se reproduire…

Ces animaux comptent quelques dizaines de millions d’années d’évolution de plus que nous, en quoi devons-nous les considérer comme des êtres aux besoins physiologiques purement primaires ? 

De quel droit devons-nous les considérer comme des êtres inférieurs, que nous pouvons exploiter à notre guise ? Après tout, ils ont un sonar dans leur cerveau. 

On ne peut pas en dire autant des humains … 

Crédit photo : ©Maxppp
Jusqu’au début des années 90, les delphinariums ne se sont pas ou peu souciés de la reproduction.

Certes, des bébés naissaient mais fort peu survivaient au manque d’espace et à la promiscuité. Au Zoo d’Anvers, la plupart étaient écrasés par des adultes contre les parois, tués par un mâle devenu fou ou engloutis dans un tuyau de filtration.

Ce n’est que très tardivement que les bassins ont été agrandis et que des espaces ont été prévus pour isoler les mères et leurs bébés.

La reproduction a été imposée par les nouvelles réglementations CITES sur le trafic de cétacés, et n’est nullement animée par un désir de « respecter les comportements naturels » des esclaves entassés dans leurs piscines !

D’ailleurs, le Marineland d’Antibes n’a pas attendu un quelconque décret ou une loi pour arrêter la reproduction de ses orques, tout est donc possible ! 

Les delphinariums nous vendent l’image de familles mais les études menées en liberté nous renseignent déjà très bien sur la façon dont s’accouplent les dauphins et c’est loin d’être l’image de la famille papa + maman et bébé. 

Les observations et les études en liberté nous renseignent très bien aussi sur la durée de gestation, l’accouchement, le rôle des tantes, des marraines dans le soin et l’éducation du petit … 

Ce n’est que pure réflexion de notre part, mais qu’en penseraient les femelles captives ? Ont-elles envie de donner vie à un bébé dans un bassin en béton ? Où elle ne peut pas le protéger de la violence potentielle de ses congénères ? 
2/ Une succession de drames
« Le bien-être c’est notre priorité, ça l’a toujours été » M. Boye, Directeur scientifique de Planète Sauvage (janvier 2021).
En France, depuis la création du premier delphinarium (Marineland d’Antibes), 4 bébés sont mort-nés, 7 sont morts à des âges précoces ou à la suite d’altercations entre femelles (Little à Planète Sauvage en 2015 et Aloha au Parc Astérix la même année). 
Femke et Sharky, entre autres, ont fait des fausses couches. À Marineland, L’orque Freya, en a fait 4. 

Freya et Valentin – Crédit photo : ©Dryiade
Dans la nature, les altercations n’existent pas, les dauphins ont tout l’espace de l’océan pour fuir les conflits. Les femelles se tiennent éloignées des mâles pour accoucher et élever leurs petits. Les femelles, tantes ou marraines, participent à l’éducation. 
Les mort-nés et les décès précoces peuvent se produire. Nous ne savons pas exactement à quelle fréquence mais nous doutons que cela soit aussi souvent qu’en captivité.
Prenons 3 exemples concrets. Celui de Femke au Parc Astérix, Lotty et l’orque Valentin au Marineland.

Femke est une femelle dauphin tristement célèbre par sa difformité. 
En effet, elle est atteinte du syndrome de Cushing. Une maladie qui entraîne une obésité chronique, des manifestations cutanées et des troubles psychologiques variés. 
Cette maladie se déclenche en raison d’une surproduction de cortisol (hormone du stress).

Sa maladie a commencé à se manifester en janvier 2017. Et pour cause, en juin 2016, on lui retire son bébé, Ekinox, alors âgé de 6 ans. On l’envoie en Grèce, au zoo d’Attica. Imaginez être une mère à qui on arrache son petit … 4 mois plus tard, en octobre 2016, Femke accouche d’un bébé mort-né. 

Femke – Crédit photo : ©Parc Astérix 
Comment ne pas penser qu’il existe une relation de cause à effet entre la détresse de cette maman et le développement d’une maladie intimement reliée au stress ? 

Dans la nature, Femke aurait pris soin de Ekinox jusqu’à ce que ce dernier prenne son envol avec d’autres mâles et n’aurait probablement pas accouché d’un bébé mort-né peu après, encore moins développé une maladie qui n’est connue que chez un seul dauphin dans le monde … 

Lotty est une femelle dauphin du Marineland d’Antibes. 
Capturée en Floride en mars 1983, elle est décédée le 19 février 2020 d’une infection. Un mois et demi auparavant, le 1er janvier 2020, elle donnait naissance à un petit, mort 1 heure après avoir vu le jour. On peut croire que Lotty était une femelle âgée. D’ailleurs, les dauphins capturés vivent plus longtemps que leurs congénères nés en captivité, mais comment ne pas croire que son système n’ait pas été affaibli par la mort prématurée de son petit ? 
N’importe quelle mère qui élève ses petits peut être anéantie par la mort de son bébé. 

Lotty – Crédit photo : Marineland
Valentin était un jeune mâle de 19 ans. 

Il était l’unique fils de Freya, qui a du subir 4 fausses couches avant de mettre au monde Valentin. 

Freya meurt en juin 2015, laissant un immense vide chez un Valentin déjà torturé et déprimé. Il se laisse désormais flotter et devient léthargique.

Le coup de grâce arrive le 2 octobre 2015. Alors que des inondations terribles ont frappé le sud de la France, le Marineland n’est pas épargné. On se souvient des images du bassin des orques aux eaux verdâtres, souillées par les polluants et la boue. 

Valentin meurt 10 jours cet événement. Le parc clame que sa mort est due à une torsion de l’intestin mais personne n’est dupe. Entre le départ de sa mère l’ayant plongé dans une profonde dépression et un bassin sale, invivable, son décès n’est pas une surprise. 

Ce ne sont que trois histoires parmi tant d’autres mais elles viennent nous rappeler que malgré les « carnets roses », l’image édulcorée de familles qui ne sont pas naturellement constituées, le silence permanent des parcs sur les décès prématurés et les fausses-couches est assourdissant, de même que les secrets bien gardés des causes de décès comme pour Aïcko en 2016 ou encore Théos ou Minimos.

3/ Vers des solutions 
Des solutions existent pour stopper la reproduction des cétacés. 
Après tout, des solutions existent pour des millions de femmes dans le monde, sans que cela ne vienne entraver leur comportement naturel …
Comme l’explique le site dauphinlibre.be, des méthodes existent bien que nous soyons encore au stade expérimental.
Les contraceptifs peuvent aider à réguler le moment de l’œstrus pour préparer une femelle à s’accoupler lors d’un programme d’élevage. De plus, il existe à la fois des contraceptifs réversibles (qui sont préférés) et des options permanentes.
  • Contraception réversible
Les contraceptifs réversibles se composent de régimes médicamenteux qui réduisent considérablement les risques de grossesse. Ceux-ci sont généralement considérés comme efficaces et même recommandés dans certaines conditions (Dierauf, L. & Gulland 2001).
Les rapports sur l’utilisation des contraceptifs chez les cétacés sont limités. Une dose de 5 mg d’acétate de médroxyprogestérone (un variant synthétique d’une hormone naturelle) a été utilisée avec succès pendant plus de 15 ans chez les grands dauphins (Asa et al., 2005). 
Cependant, on sait peu de choses sur l’efficacité, les effets secondaires ou l’utilisation à long terme des contraceptifs chez les épaulards (Orcinus Orca) malgré sa présence en bassin depuis la fin des années 80.
  • Contraception permanente
Les méthodes de contraception permanente comprennent la chirurgie et l’usage d’immunocontraceptifs. Elles ne devraient être envisagées que lors de la mise en œuvre de plans d’élevage spécifiques pour des animaux individuels. Les méthodes contraceptives réversibles restent toujours l’option préférée.
Des interventions chirurgicales sur les mâles peuvent être envisagées. Bien que la castration soit presque toujours un choix chirurgical pour les cétacés car leurs testicules sont cachés dans l’abdomen.
Des techniques laparoscopiques sont en cours de développement et pourraient être une solution future, car cette technique peut constituer une excellente alternative à la castration (Dover 2000).
  • L’immunocontraception
Contrairement aux procédures chirurgicales, l’immunocontraception est une bonne solution pour la contraception permanente. C’est une tendance prometteuse dans la gestion de la fertilité, mais elle ne peut pas être inversée, contrairement aux contraceptifs oraux (Brown et al., 1996).
Les immunocontraceptifs stimulent le système immunitaire en produisant des anticorps contre certaines protéines, de sorte que le système immunitaire de l’animal rejette le sperme ou l’ovule comme un corps étranger. Le système immunitaire une fois amorcé produit des anticorps qui se lient au spermatozoïde ou à l’ovule pour signaler au système immunitaire d’éliminer le « pathogène », détruisant ainsi l’ovule ou le sperme (Bagavant et al., 2002).
La contraception chez les mammifères marins devrait être considérée comme un essai mondial en cours. Une grande partie des données ont été extrapolées à partir d’autres études sur des mammifères comme les humains, les chiens, les primates et les rongeurs (Munson et al., 2005).
Il existe toujours de grands risques d’effets secondaires associés à l’utilisation de la contraception, ce qui nécessite une surveillance constante des animaux pour minimiser ces effets. 
Ces animaux sont surveillés de très près dans les milieux zoologiques, les vétérinaires peuvent répondre et corriger les problèmes de santé avant qu’ils ne soient exacerbés et deviennent une menace pour la vie. Il est possible que d’autres processus métaboliques soient affectés, entraînant des effets secondaires et des complications.
Récolte de sperme – Crédit photo : inconnu



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