C'est assez

Keiko, l’Orque de ‘Sauvez Willy’: Histoire d’une Réhabilitation Réussie

Avant Blackfish, c’est un film tout à fait différent qui a attiré l’attention du public sur la solitude et la détresse des orques en captivité. Il s’agit bien évidemment de Sauvez Willy. Sorti en 1993, ce film franco-américain relate l’histoire d’amitié qui lie Jesse, un préadolescent mal dans sa peau, et une orque mâle captive nommée Willy. 
Le film connut un succès retentissant et le public s’intéressa au sort du « vrai » Willy, Keiko. S’ensuivit une mobilisation sans précédent pour que Keiko retrouve la liberté. Retour sur cette réhabilitation qui suscite toujours, de part et d’autre, de nombreux commentaires et polémiques.

Keiko

Keiko avait environ trois ans lorsqu’il fut capturé en 1979 dans les eaux islandaises, dans l’archipel des îles Vestmann, pour la somme de 50 000$. D’abord baptisé « Kago », il fut vendu à l’aquarium islandais d’Hafnarfjörður et y passa un an avant d’être transféré au Marineland de Niagara Falls, au Canada. Son nouvel espace de vie consiste en un bassin étroit, dans un entrepôt sans lumière naturelle et hors de vue du public. Environ deux ans plus tard, il rejoint les autres orques. Keiko est un jeune mâle timide, le plus jeune des 6 orques qui se produisent en spectacle au Marineland, et il se fait régulièrement « embêter » par les femelles du groupe. C’est en 1982 que les premières lésions dues à un papillomavirus apparaissent sur sa peau.

Keiko (Kago) et Kiska au Marineland d’Ontario, au Canada
En 1985, nouveau transfert: cette fois c’est dans la ville de Mexico que Keiko va se produire devant le public, au Reino Aventura (maintenant le Six Flags Mexico). Le bassin dans lequel on le place ne mesure que 27 mètres de long pour 13 mètres de large et 6 mètres de profondeur. Originellement prévu pour accueillir des dauphins, le bassin se révèle vite très petit pour l’épaulard, qui a environ 7 ans lorsqu’il arrive au Mexique. L’eau dans laquelle il nage à présent est chaude sous le soleil du Mexique, sa température peut atteindre les 27 degrés et pour un animal habitué aux eaux froides de l’Océan Atlantique il s’agit d’un véritable « choc thermique ». Elle est également artificiellement salée et très chlorée, ce qui n’arrange en rien les lésions sur la peau de celui qu’on appelle désormais Keiko. 
L’orque devient vite une des principales attractions de Mexico, et travaille à une cadence soutenue: il exécute 5 spectacles par jour avec les dauphins qui partagent son bassin, et dont il finit par imiter le langage.
En 1991, Reino Aventura se rend compte que l’animal est devenu trop grand pour vivre dans ce bassin et que son état de santé se détériore. Il cherche alors à le vendre à SeaWorld, mais finalement l’affaire ne se conclut pas.
C’est un tout autre destin qui se dessine pour Keiko: Hollywood cherche une orque pour un film tout public et il apparaît comme le candidat idéal.

De Keiko à Willy

Le tournage de Sauvez Willy (titre original: Free Willy) débute au Mexique en 1992. Les studios Warner Bros. demandent à SeaWorld et au Miami Seaquarium l’autorisation de tourner certaines scènes dans leurs bassins mais les parcs rejettent leur requête. Ils tentent bien de persuader la production de changer le scénario afin que Willy rejoigne un plus « beau » parc au lieu de retrouver sa liberté -en vain.
L’équipe du film s’attache vite à Keiko qui, malgré sa taille imposante, se révèle d’une douceur et d’une intelligence extrêmes. 

Le film sort en salle en 1993 et connaît un énorme succès, en particulier auprès du jeune public qui se prend d’affection pour le cétacé le plus célèbre au monde. Keiko devient une véritable star internationale.  
Pendant ce temps, Keiko est toujours au Reino Aventura où il dépérit. Sa santé s’est dégradée. En plus de son papillomavirus et des lésions sur sa peau, l’orque est maigre, son système immunitaire affaibli, il souffre d’ulcères et de problèmes digestifs. Il est faible et léthargique. Il n’arrive pas à retenir sa respiration plus de 3 minutes. Il devient clair que si rien n’est fait, Keiko sera bientôt mort.
Le parc, avec l’aide des producteurs Richard Donner et Laura Schuler-Donner, se met à chercher un endroit plus approprié pour accueillir l’épaulard dont la santé s’est dégradée au fil des ans. Ils font appel à Ken Balcomb, le directeur et fondateur du Center for Whale Research, qui commence à élaborer un plan de réhabilitation pour Keiko.

Le chemin vers la liberté

De nombreuses personnes souhaitent collaborer à la réhabilitation de Keiko: une coalition de groupes de défense des animaux se forme, mais l’Alliance des Parcs Marins et Aquariums manifeste également son intérêt pour le projet, qui menace directement leurs activités -déjà mises à mal par le succès du film. 
En Novembre 1993, le magazine Life publie des photos de Keiko qui suscitent une vague d’indignation: le public veut aider et sauver l’orque. Chaque jour, le Reino Aventura reçoit une centaine de lettres demandant la libération de Keiko. L’homme d’affaires Craig McCaw, lui aussi touché par le sort du cétacé, décide d’intervenir en subventionnant en partie la réhabilitation. Sans lui, le projet n’aurait certainement jamais vu le jour.
Mc Caw et la Warner Bros. aident à la création de la Free Willy / Keiko Foundation en 1994, dans l’espoir de remettre un jour la star du grand écran en liberté. Le Reino Aventura décide de donner l’orque à la fondation en février 1995. 
Le 7 janvier 1996, Keiko quitte enfin le parc mexicain, et s’envole pour l’Oregon.

Keiko à l’Oregon Coast Aquarium de Newport.
Crédit photo: Marilyn Kazmers / Getty Images
Après 20 heures de vol, Keiko arrive enfin dans son nouveau bassin, construit en 5 mois. Pour la première fois en 14 ans, il nage dans de l’eau de mer et son nouveau lieu de vie est nettement plus grand: il faut plus de 7.5 millions de litres d’eau pour le remplir. Dès qu’il arrive, il montre des signes de bien-être, il saute de façon spontanée comme pour exprimer sa joie de retrouver davantage d’espace.
En quelques mois, il reprend du poids et les lésions sur sa peau disparaissent. Ses analyses de sang sont meilleures, il ne souffre plus d’ulcères, il est plus tonique et plus énergique.
En mai 1997, le personnel de l’aquarium introduit pour la première fois un poisson vivant dans le bassin de Keiko. Au début, l’orque ramène les poissons aux dresseurs mais il comprend rapidement qu’il peut les manger: il réapprend à chasser.
18 mois après son arrivée dans l’Oregon, Keiko a pris plus de 800 kilos, a grandi de 20 centimètres et semble en pleine forme. Bien qu’il ne les mange pas toutes, il attrape des proies vivantes. 
SeaWorld clame pourtant qu’il serait criminel de placer Keiko dans une baie marine fermée. Mark Trimm, un ancien dresseur du Miami Seaquarium, estime quant à lui que l’état psychologique de Keiko est catastrophique. Tout au long du processus, les différents représentants des parcs tentèrent d’empêcher le projet de réhabilitation de se réaliser, arguant que Keiko ne survivrait pas en liberté, ou que sa maladie pourrait contaminer les orques libres. 
Finalement, en 1998 l’orque est examinée par des vétérinaires et des pathologistes spécialistes des mammifères marins. Parmi eux, deux sont venus d’Islande. Les 6 experts le jugent en bonne santé et apte à retrouver ses eaux natales. Le gouvernement islandais se dit favorable à la venue de Keiko et autorise son transfert. La deuxième phase de la réhabilitation va pouvoir commencer.

Photographie aérienne de l’enclos marin de Keiko en Islande. 
Crédit photo: freedomforwhales.tumblr.com
Keiko arrive en Islande le 9 septembre 1998, soit 19 ans après sa capture. Bien qu’il ne soit pas encore libre, il a retrouvé ses eaux natales. Les touristes ne peuvent voir Keiko que depuis une certaine distance, à l’aide de  deux téléscopes. A son arrivée dans l’enclos marin, l’orque se montre très enthousiaste, il plonge, explore ce nouvel espace et vocalise beaucoup. Au bout de 10 minutes, il retourne vers les humains restés sur le bord de l’enclos, mais semble beaucoup plus intéressé par ce nouvel environnement. Deux heures et demie après son arrivée, il communique avec une baleine-pilote qui nage dans la baie. 
De manière générale, Keiko se montre beaucoup plus actif que dans le bassin de l’Oregon. Il vocalise plus aussi. 
En mars 1999, la Fondation Free Willy / Keiko et l’Institut Jean-Michel Cousteau fusionnent pour créer la Ocean Futures Society. Des saumons de l’Atlantique vivants sont introduits dans l’enclos de Keiko, et ceux qui veillent sur lui constatent qu’il les mange: le nombre de saumons diminue et l’épaulard réclame moins de nourriture. A présent, il passe davantage de temps sous la surface de l’eau, il se comporte davantage comme une orque libre et montre moins d’intérêt pour les humains que pour ce qui se passe de l’autre côté de son enclos. Pendant la première année qu’il a passée dans son enclos, il est entraîné en vue d’une remise en liberté. L’un des objectifs est qu’il passe plus de temps en profondeur qu’en surface, pour être moins dépendant des hommes. En avril, deux anciens dresseurs de SeaWorld sont engagés comme consultants. En mai 1999, le nouveau directeur instaure de nouvelles régles qui visent à réduire les interactions entre l’animal et les humains. Il n’est plus nourri à la main mais le poisson arrive par un tuyau dans l’enclos de Keiko. Les soigneurs sont priés de ne plus le caresser et de ne plus chercher le contact avec lui.
Un an après son arrivée, Keiko chasse la moitié de sa nourriture. L’autre moitié ne vient plus de la main des hommes. Ses analyses révèlent qu’il n’a plus de pathogènes. Ses vocalisations sont analysées et il s’avère que Keiko parle toujours le langage des orques nordiques d’Islande. 
Il faudra attendre Mars 2000 pour que Keiko puisse enfin explorer la baie dans laquelle se trouve son enclos. D’une superficie de 7.5 hectares, elle est alors fermée par un long filet. Pour la première fois depuis sa capture en 1979, Keiko goûte enfin à la liberté. 


Deux mois plus tard, les dresseurs emmènent Keiko pour sa première sortie dans l’océan. Pour cette première fois, un petit avion est envoyé en reconnaissance pour s’assurer qu’il n’y ait pas de groupes d’orques dans les environs, car à ce stade l’équipe estime que cela présenterait un risque. Keiko s’éloigne parfois du bateau qui l’accompagne durant ces sorties, il arrive qu’il disparaisse de la vue de l’équipe pendant 6 ou 7 minutes, un laps de temps qui paraît long à l’équipe, partagée entre l’envie qu’il aille plus loin et la peur qu’il ne s’éloigne trop. 
C’est en juillet 2000 que Keiko rencontre des orques libres pour la première fois. Il s’approche d’elles mais repart rapidement. Il s’éloigne d’elles mais aussi du bateau. Il reste seul pendant 10 heures. Cet été-là, Keiko rencontre des orques une douzaine de fois mais n’aura que 5 interactions avec certaines d’entre elles. Selon Jeff Foster, le directeur des recherches et des opérations d’Ocean Futures, 100% de la nourriture que Keiko ingère est du poisson vivant, ce qui est un excellent signe. « Il serait capable de se nourrir seul en mer, » déclare-t-il. Mais il ne cherche pas sa nourriture. En août 2000, le Time Magazine sort un nouvel article sur l’orque-star, et affirme que selon ses dresseurs Keiko est incapable de se nourrir seul. En octobre, le London Daily Telegraph annonce qu’il ne sera jamais relâché.
Les sorties en mer reprennent en mai 2001 pour Keiko. Il est suivi et surveillé par deux bateaux et parfois par un hélicoptère. Lorsqu’il croise des orques durant l’été 2001, Keiko se montre plus « sociable » que l’année précédente et montre beaucoup plus d’intérêt pour ses congénères. Il a de nombreuses intéractions, il joue avec certains d’entre eux. A aucun moment il n’y a de signe d’agressivité, d’un côté comme de l’autre. En août 2001, il s’éloigne à 56 kilomètres des bateaux qui l’accompagnent en mer. Il rencontre des orques, nage avec elles pendant plusieurs heures. Il reste loin des bateaux pendant plusieurs jours. Entre temps, Ocean Futures cherche à réduire les coûts de l’opération, les moyens financiers s’amenuisant. Ils doivent trouver aussi un autre endroit pour Keiko puisqu’une ferme à saumons va se construire dans la baie. 
En novembre 2001, Richard O’Barry déclare que le projet « Sauvez Willy » était voué à l’échec depuis le début: « Ils continuent à l’entraîner. Il est en captivité même lorsqu’il est en mer. il est psychologiquement dépendant de ses dresseurs. » 
A cette date, le coût du projet s’élève à 23 millions de dollars et 25 personnes travaillent avec Keiko en Islande. Des moyens pour faire rentrer de l’argent sont évoqués, comme la possibilité de faire venir les touristes. 
En mars 2002, McCaw cesse progressivement ses dons. Les moyens matériels sont réduits afin de faire un maximum d’économies.  
En juillet 2002, Keiko sort à nouveau. 4 jours plus tard, il s’éloigne du bateau et s’approche d’un pod d’orques d’un peu plus de 80 individus. Le 27 juillet, il est photographié en compagnie d’autres orques, il passe de longs moments et semble intéragir avec elles. On le voit de nouveau en compagnie de ses congénères 3 jours plus tard, et la balise dont on l’a équipé montre qu’il plonge à plus de 75 mètres. 


Le 21 août 2002, cela fait 46 jours que Keiko est libre. Il a parcouru de longues distances et semble se nourrir seul. Jeff Foster ainsi que 7 anciens membres de Ocean Futures s’inquiètent néanmoins de son état et du fait qu’il ne soit peut-être pas en mesure de se nourrir seul. Après un été passé dans l’Atlantique Nord il arrive dans le port de Skaalvik, en Norvège. La balise GPS montre qu’il a parcouru au minimum 1400 km, soit une distance de 80 à 95 km par jour. Il souffre d’une petite infection et est mis sous antibiotiques. Le Dr. Larry Cornell qui suit Keiko depuis 1996, l’examine et déclare: « Après 60 jours passés en mer et avoir parcouru environ 1600 kilomètres, Keiko est en bonne santé et ne semble pas avoir perdu de poids. Il n’y a aucun doute possible sur le fait qu’il a réussi à trouver lui-même sa nourriture. » Entre temps, le gouvernement norvégien tente de limiter les intéractions entre Keiko et les badauds en interdisant à la population de l’approcher à moins de 50 mètres. Mais l’équipe de soigneurs le nourrit à nouveau.
En Novembre, on emmène Keiko à quelques kilomètres de là, dans une zone moins facile d’accès pour les gens, où il n’y a pas de glace, où les poissons sont nombreux et qui se trouve le long d’un couloir migratoire d’épaulards. Ses soigneurs sont logés sur le site. L’orque est libre de sortir de la baie. Il continue à être nourri. 
Malgré les progrès incontestables réalisés par Keiko et les preuves selon lesquelles il était capable de se nourrir seul, les médias continuent à relayer de fausses informations au sujet de sa réhabilitation, par exemple que Keiko est incapable d’attraper un poisson vivant. Informations qu’ils tiennent de représentants de parcs marins qui n’ont aucun scrupule à déformer la vérité.

Adieu Keiko

Keiko s’éteint le 12 décembre 2003, à l’âge de 27 ans. Il meurt d’une pneumonie, maladie qui touche également les orques libres. Il faut néanmoins se rappeler que son système immunitaire avait été grandement affaibli à cause des années qu’il avait passées en captivité, et aussi que s’il était resté dans les mêmes conditions que dans le parc mexicain il n’aurait sûrement pas vécu plus d’un an après la sortie de Sauvez Willy
Sa mort fut relayée par les médias, un cairn fut érigé en sa mémoire à Taknes en Norvège, dans le fjord où il est mort.

Conclusions

On peut tirer des leçons de la réhabilitation de Keiko. Hormis le coût faramineux et les moyens extraordinaires mis en place pour ce projet, elle nous prouve que des orques captives peuvent être remises en liberté. En réalité, le fait que Keiko ait réussi à parcourir de longues distances, à se nourrir seul et à intéragir avec des orques libres sont autant de points positifs que l’on peut créditer à sa réhabilitation. Rappelons aussi que Keiko était très mal en point lorsqu’il a quitté le Mexique, il ne pouvait rester en apnée plus de 3 minutes, souffrait – entre autres – d’un papillomavirus et n’avait plus que quelques mois à vivre selon ses vétérinaires. Grâce à sa réhabilitation, Keiko a donc vécu 7 années de plus et a pu goûter à la liberté dont on l’avait privé.
Ce qu’il faut bien comprendre également, c’est que certains acteurs de ce projet – comme Mark Simmons, un dresseur de SeaWorld – n’avaient aucun intérêt à ce que le projet réussisse et ont tout fait pour maintenir Keiko dans une relation de dépendance. Le fait de le remettre dans son enclos marin l’hiver sans qu’il ne puisse en sortir n’a certainement pas aidé non plus à le rendre complètement autonome. Il en va de même pour le fait qu’il était suivi de près par le bateau lors de ses sorties en mer (les dresseurs le rappelaient lorsqu’il s’éloignait trop), et qu’il était nourri de la main des hommes à certains moments cruciaux. De plus, Keiko n’était pas le candidat idéal pour une réhabilitation: en effet son pod n’a jamais été identifié avec certitude. Les orques étant des animaux extrêmement sociaux, cela aurait sans aucun doute facilité les choses s’il avait pu rejoindre son pod d’origine. En dépit de tous ces obstacles, Keiko a su prouver qu’il était capable de vivre libre, et surtout il a vécu bien plus longtemps que s’il était resté captif. Entre la sortie du film Sauvez Willy en 1994 et 2002, 22 orques sont mortes en captivité, toutes étaient très jeunes. Nul doute que Keiko aurait quitté ce monde bien plus tôt s’il n’avait pas eu la chance de tourner dans ce film.
Keiko, l’orque qui a marqué des millions de gens à travers le monde, est mort libre. S’il n’a jamais vraiment quitté le monde des hommes, il a pu expérimenter la vie en liberté et retrouver son milieu naturel. 
Un bel espoir pour tous ses compagnons d’infortune qui croupissent encore dans leurs bassins chlorés.


Documentaire sur la 1ère phase de la réhabilitation de Keiko en Oregon: (film complet en VO) https://www.youtube.com/watch?v=YYyU3USJ-8E

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *