C'est assez

L’histoire tragique des narvals de l’Aquarium de Vancouver

1968-1970 : Bien que cela soit peu connu, l’Aquarium de Vancouver a été le premier à tenter de maintenir des narvals en captivité. Soit les captures ont mal tourné, soit les narvals sont décédés durant le transport ou dès leur arrivée à l’aquarium. 

Au moins 7 narvals ont trouvé la mort avant que l’aquarium de Vancouver décide de mettre fin à ce programme.


En 1968, l’aquarium de Vancouver détenait des dauphins, des bélugas et une orque. Murray Newman, directeur de l’Aquarium avait pour ambition de faire découvrir les narvals au public. 

À la fin des années 1960, peu de Canadiens connaissaient ces animaux. Newman espérait que le fait d’amener des narvals à Vancouver pourrait susciter un plus grand intérêt pour l’espèce et sa conservation.

Newman et trois autres personnes, sont partis pour Pond Inlet sur la côte nord de l’île de Baffin en août 1968. Menée par des guides inuits, l’équipe a passé deux semaines à essayer de capturer des narvals, mais sans succès. Alors que Newman espérait revenir l’année suivante, l’aquarium n’avait pas les moyens de financer une seconde expédition. Il croyait alors que son rêve était perdu.

Mais en août 1969, Newman apprit que des chasseurs inuits de Grise Fiord, une communauté de l’île d’Ellesmere, avaient capturé un bébé narval blessé et étaient prêts à le vendre. Croyant que le mammifère marin ne survivrait pas au vol jusqu’à Vancouver, Newman refusa l’offre. 

D’autres eurent moins d’appréhension. 

En septembre, le New York Aquarium acheta le jeune narval et le transporta par avion aux États-Unis. La prétention de New York d’avoir le seul narval captif au monde a été de courte durée puisque ce jeune narval est mort un mois plus tard.


C’est alors que Newman rencontre Jim et Isabelle Graham, un riche couple de Vancouver. Les Graham avaient récemment voyagé dans l’Arctique et furent captivés par les narvals près de Pond Inlet. En entendant des habitants parler de l’expédition de l’Aquarium de Vancouver en 1968 et désireux de présenter aux autres ces créatures mystérieuses, ils ont contacté Newman et lui ont proposé de financer une deuxième expédition.

Le 1er août 1970, avec l’autorisation du ministère des Pêches en poche pour capturer des narvals, Newman et une équipe de 11 autres personnes s’envolèrent pour Pond Inlet. 

Après trois semaines infructueuses, Newman appris que les chasseurs inuits de Grise Fiord avaient capturé un jeune narval mâle et étaient prêts à le vendre. Il s’envola pour cette communauté et, après une inspection rapide et le feu vert financier des Graham, il acheta le cétacé.

Le narval fut nommé Keela Luguk, une occidentalisation du mot qilalugaq, un mot utiliser pour désigner le narval dans certains dialectes inuktitut.

Keela Luguk fut emmené à Vancouver le 24 août 1970. Keela Luguk n’est pas resté seul longtemps. 

Deux autres narvals femelles et trois bébés furent capturés et furent envoyés à Vancouver le 27 août.

« C’est un moment merveilleux », déclarait alors Newman. Après deux années difficiles, l’Aquarium de Vancouver détenait désormais la plus grande collection de narvals au monde.

Mais le 17 septembre, les trois bébés sont morts.


La BC Federation of Naturalists dénonça l’expédition pour capturer les narvals. 

Le comité de rédaction du Vancouver Sun accusa l’Aquarium de Vancouver d’utiliser des tours de passe-passe sous prétexte scientifique pour dissimuler cette sordide affaire. Même le ministre des Pêches Jack Davis, dont le ministère avait délivré les permis de capture plus tôt cet été là, a dénoncé ces décès.

Les membres de l’expédition ont rejeté ces critiques. Un député libéral Pat McGeer, qui avait participé aux deux expéditions, a souligné que la captivité du narval pouvait favoriser de nouvelles compréhensions sur l’espèce, de la même manière que la captivité des orques avait transformé la perception du public à l’égard de ces animaux. 

Cette opposition aux captures de narval s’est faite plus vive quand en novembre de la même année, les deux narvals femelles sont-elles aussi décédées. 

La Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux a condamné le programme « narval en captivité » de l’aquarium. Dans une lettre ouverte à Newman, le maire de Vancouver, Tom Campbell, lui demanda de ramener Keela Luguk, le dernier narval de l’aquarium, dans l’Arctique.

Newman s‘y opposa, prétextant que le transfert de Keela Luguk vers l’Arctique était impossible à l’approche de l’hiver. Selon lui, le narval était sain et en bonne santé. 
Malheureusement, le 23 décembre, Keela Luguk tombe malade. Le jeune narval est mort trois jours plus tard.

Le « programme narval » de l’Aquarium de Vancouver a un héritage compliqué. Il s’impose comme étant l’un des premiers moments d’opposition à la captivité des cétacés au Canada. Le décès de narvals ont provoqué d’intenses critiques sur le traitement des animaux par l’aquarium et ont mis fin à toute future expédition pour capturer ces animaux. 

Ironiquement, cette sordide histoire a permis de sensibiliser le public au sort des narvals. 
La couverture médiatique, les captures et la mort des animaux a fait connaitre aux Canadiens une espèce dont beaucoup n’avaient jamais entendu parler auparavant. 

Cet intérêt accru pour les narvals a stimulé une plus grande recherche sur eux et accéléré la mise en œuvre des règlements de protection du narval en 1971.

Aujourd’hui, le seul narval de l’Aquarium de Vancouver est un modèle suspendu au plafond du bâtiment principal. 

L’histoire du programme de narval en captivité de l’aquarium a été largement oublié. Mais quelques décennies plus tard, il est grand temps de mettre en avant ce que certains sont prêts à faire pour satisfaire leur fantasme et leur appât du gain.

Légendes photos : 

Photo 1 : Keela Luguk chargé à l’aéroport en route pour l’Aquarium de Vancouver. Une balle de tennis a été mise sur sa défense – ©Gord Croucher 

Photo 2 : Keela Luguk nage à côté de la grille dans le bassin de l’aquarium – ©Gord Croucher 

Photo 3 : Keela Luguk est emmené dans le bassin de recherche de l’Aquarium de Vancouver – ©Gord Croucher  
Traduction : C’est assez ! 

Source : Vancouver Sun 

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