C'est assez

Lodges et mammifères marins : nouvelle lubie lucrative des zoos

1/ Quand le marketing emboîte le pas de la conservation et de l’éducation

Le zoo de la Flèche dans la Sarthe et Pairi Daiza en Wallonie (Belgique) proposent respectivement depuis 2013 et 2020 de dormir dans des lodges avec vue sur animaux sauvages, notamment des ours polaires et des morses.

Plongée dans le monde merveilleux du marketing animalier…

Au Zoo de la Flèche, ce qui nous interpelle en premier lieu, c’est le nom des lodges avec vue permanente sur des ours polaires : Arctic, Inuk, Manitoba …

En effet, l’Arctique est l’habitat naturel de l’ours polaire, Inuk n’est autre que le singulier d’Inuit et le Manitoba est la province canadienne où se situe la ville de Churchill, la « capitale mondiale des ours polaires » avec son célèbre Parc National Wapusk.

C’est sûr que cela vend plus de l’aventure que le lodge « Rillette du Mans » ou « Coteau-du-Loir », des spécialités de la Sarthe. 

Au moins Pairi Daiza fait dans la sobriété avec ses lodges Ours Blanc House et The Walrus House pour les morses… 

D’emblée, le futur client est appâté avec des arguments marketing comme « authentique grange inspirée du grand nord-américain, luxueuse et chaleureuse ». Les chambres sont décorées de fourrures, (au moins Pairi Daiza a la décence de préciser que ce sont des fausses fourrures), « jardin privatif qui rappelle la Taïga du Grand Nord » … Parce qu’il faut un peu d’authenticité tout de même ! 

Au zoo de la Flèche, les lodges sont dotés de bains nordiques et de bains à remous pour faire comme l’ours polaire que vous regardez : barboter dans une baignoire. 

Pairi Daiza n’y va pas de main morte en annonçant la couleur : profitez de packages !

Les arguments de vente sont les mêmes : décoration authentique, salle de bain de luxe avec marbre de Carrare (comme le Dôme de Sienne, rien que ça…)

Vous avez même le choix de la vue sur les ours et les morses, pour les voir tourner en rond sous tous les angles : panoramique, plongeante ou en tête-à-tête.

Pour les morses, vous êtes carrément en « immersion totale dans son biotope » dans un décor qui ressemble à « une grotte de neige » où les « matériaux rappellent le froid ».

Rappel – définition d’un biotope (Larousse) : Milieu défini par des caractéristiques physicochimiques stables et abritant une communauté d’êtres vivants (ou biocénose). (Le biotope et sa biocénose constituent un écosystème.)

Un peu exagéré non ? Pour rappel, l’habitat du morse est l’océan arctique et sa périphérie ou encore la mer de Bering. On doute qu’un enclos près de Brugelette constitue le biotope du morse. 

Au Zoo de la Flèche, le texte de présentation se termine tout de même par la mention d’une animation pédagogique, ouf, on est sauvé ! 

2/ Le bien-être animal … à quel prix ! 

Observer des animaux psychotiques aux comportements stéréotypés n’est pas pour toutes les bourses. En effet, les zoos, autrefois dirigés par des collectionneurs sont aujourd’hui tombés entre les mains d’hommes d’affaires qui n’ont qu’une idée en tête, faire perdurer leur commerce. 

Pour cela, il faut renouveler l’offre et l’idée des lodges tombe à pic surtout lorsqu’il s’agit de renflouer les caisses après une année de pandémie et de fermetures successives des zoos.

Et ça marche… Pour dormir au Manitoba Lodge au zoo de la Flèche, il faut débourser au moins 838€ la nuit et en plus, tout est déjà complet pour 2021 ! Il faut dire que ce lodge ferme le 30 septembre 2021. Ouf, encore une fois. La femelle aura tout de même un peu de tranquillité pour son hivernation… 

Même chose pour l’Arctic lodge et l’Inuk lodge, déjà complets pour 2021 (et 2022 pour Arctic Lodge), à tel point que les tarifs 2022 sont déjà disponibles ! 

À Pairi Daiza, il faut compter au moins 145 € la nuit pour 2 personnes en demi-pension. Encore une fois, cette « expérience » est réservée à une clientèle qui peut se le permettre, d’autant que c’est vendu comme une expérience familiale.

On se demande en quoi cela est pédagogique pour les enfants de voir des ours polaires enfermés dans des enclos. 

Or, il suffirait de montrer à quoi ressemble la vraie vie d’un ours polaire en Arctique pour comprendre qu’un zoo situé en milieu tempéré n’est pas adapté à cette espèce. 

3/ Une mode qui doit s’arrêter maintenant

Ces animaux, déjà sur-sollicités en journée, doivent maintenant subir une sollicitation constante, 24/24h. Comment surveiller ce qu’il se passe la nuit dans ces lodges ? 

  • Les clients dérangent-ils les animaux ? 

La Directive européenne sur les zoos de 1999, transposée en droit français par un arrêté de 2004, prévoit une partie bien-être. L’animal doit pouvoir se réfugier et échapper aux sollicitations et regards constants des visiteurs. 

  • Comment garantir donc le respect de la Directive européenne de 1999 en matière de bien-être animal ?

En plus, les ours polaires sont des champions des comportements stéréotypés en captivité comme le témoignent entre autres nos vidéos des ours blancs de Marineland. 

Exemple avec Flocke : 

Comble du sarcasme à Pairi Daiza, l’enclos des ours donne directement sur celui des morses, séparé uniquement d’une vitre. 

Le prédateur et la proie se trouvent à une proximité inquiétante, ce qui doit certainement être déroutant et ajouter une énième dose de stress.  

Comme l’atteste avec désinvolture Nathan Duvivier, architecte de la « Terre du Froid » à Pairi Daiza dans cette vidéo, « le morse, qui est censé être la proie cherche le contact avec l’ours, qui joue avec, ou l’ours, est-ce qu’il essaye de les croquer ou de jouer, ça on ne sait pas trop, mais en tout cas, ça fonctionne super bien ».

Ce qui fonctionne super bien, c’est à quel point ce cynisme est vendeur.

Quand on voit l’engouement pour les lodges, déjà complets au zoo de la Flèche pour 2021 (et 2022 pour l’Arctic Lodge) et très sollicités à Pairi Daiza aussi, on est en droit d’être inquiets pour ce commerce qui prend de l’ampleur.

Ces zoos proposent aussi de dormir avec vue sur d’autres animaux sauvages comme les loups, les lions, les tigres etc. Planète Sauvage, en plus de son delphinarium, propose aussi de dormir au milieu des animaux de la savane… D’autres parcs animaliers français ont décidé de s’adonner à cette pratique, comme le Parc animalier des Pyrénées ou encore le parc Le Pal situé dans le département de l’Allier, qui proposent de passer la nuit parmi les ours, les loups ou encore « au cœur de la savane » entouré de zèbres et d’hippopotames.

On ne parle pas de ce parc en Chine qui a récemment ouvert un hôtel sordide avec vue sur des ours polaires dans un enclos minuscule, qui ne voient pas la lumière du jour.

La pandémie de Covid-19 a affaibli ces parcs animaliers en raison des fermetures successives. Cela ne les empêche pas d’investir dans ce genre de nouvelle « attraction » pour regonfler leur chiffre d’affaires. 

Les ours polaires prisonniers des zoos ne seront jamais réintroduits dans leur habitat naturel, vous savez, l’Arctique, le territoire des Inuits, le Manitoba …. Un ours polaire a besoin de l’éducation de sa mère pour apprendre à survivre dans ce milieu hostile, à chasser du phoque … 

Les morses sont des animaux imposants, territoriaux, qui vivent dans la véritable terre du froid, en Arctique. 

Ces animaux n’ont rien à faire en France, en Belgique, en Chine… rien à faire en captivité.

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