C'est assez

Exhiber les dauphins aussi sensibles qu’intelligents en France au XXIe siècle n’est plus admissible

7 janvier 2019 – par Christine Grandjean, présidente de C’est assez ! 
Tribune publiée dans le Huffpost

Nous attendons les mesures fortes promises par le gouvernement !

Mercredi 1er janvier 2020, Lotty une femelle dauphin du Marineland d’Antibes, a accouché d’un bébé qui est décédé peu de temps après pour des raisons inconnues.

Lotty

Si ces décès surviennent aussi dans la nature, les conséquences pour les femelles y sont un peu atténuées par la possibilité qu’elles ont de faire le deuil, entourées des leurs. Pendant l’été 2018, Tahlequah, une orque de la communauté des résidentes du sud (Nord-Ouest Pacifique)a ému le monde entier en portant son enfant mort à la surface pendant plus de 17 jours sur plus de 1600 km, soutenue en permanence par les membres de son “pod”.

Bien d’autres cas similaires ont ainsi été observés en milieu naturel, ce qui confirme le haut niveau cognitif des cétacés.

Dans un bassin, pour des raisons évidentes d’hygiène, la femelle n’a aucune possibilité de faire le deuil de son petit.

Depuis sa capture très jeune, Lotty aura subi plusieurs transferts et perdu 3 enfants.

Ce destin tragique n’est hélas pas un cas isolé !

En effet qu’en est-il de la vie dans un bassin ?

Les deux espèces de dauphins présentées dans les delphinariums français, Orcinus Orca (Orques) et Tursiops Truncatus (Grand dauphin – Flipper) ne sont pas classées en danger d’extinction.

Leur conservation dans des bassins ne peut donc se justifier pour cette raison.

Orques au Marineland d’Antibes

Quant à l’argumentaire éducatif et pédagogique, il ne peut se justifier:

En effet, les dauphins étant facilement observables tout au long des côtes françaises et étant donné la qualité des documentaires animaliers, les présenter à des enfants à travers des numéros de cirque contraires à leurs comportements naturels, relève de la tromperie et n’a rien de pédagogique.

L’enfermement, une maltraitance

Pour ces animaux reconnus par les scientifiques comme étant hautement intelligents, dotés de conscience d’eux mêmes, d’émotions, de cultures qu’ils se transmettent (dialectes, techniques de chasse, noms, outils…) qui nagent près de 100 km par jour et plongent à plusieurs dizaines de mètres de profondeur, l’enfermement dans un bassin chloré aussi grand soit-il, avec des congénères qu’ils n’ont pas choisis, qui ne communiquent pas de la même manière, sans possibilité de fuite est déjà une grande maltraitance en soi.

À la différence des animaux terrestres présentés dans les parcs zoologiques, les cétacés vivent dans un monde en 3 dimensions: surface, profondeur et son.

Cette dernière dimension est de loin la plus importante car ils communiquent et appréhendent ce qui les entoure grâce à leur sonar, leur système d’écholocation.

Or dans un bassin aux parois en béton ou en verre, les sons se répercutent tellement que les dauphins sont amenés à mettre en veilleuse ce sens car, non seulement il leur devient inutile mais en plus il leur engendre de l’inconfort.

S’il est avéré que dans certains parcs zoologiques, les grands mammifères terrestres ont une espérance de vie plus longue en captivité que dans la nature, il n’en va pas de même pour les cétacés, qui meurent prématurément en bassin et cela malgré tous les soins quotidiens, l’absence de prédateurs, de filets, de collisions, de pollution et malgré une nourriture assurée chaque jour. 

Des décès liés à la captivité

Entre janvier 2015 et août 2017, 2 orques et 3 dauphins sont décédés au Marineland, 2 dauphins à Planète Sauvage et 3 au Parc Astérix. Cela fait 10 individus sur une trentaine et cela à des âges très précoces.

Pour mémoire, Granny, une orque résidente du Sud au Nord-Ouest Pacifique, bien connue des scientifiques, est décédée à 104 ans entourée de sa famille.

Granny, ou J2, en 2010. Crédit photo : ©Center For Whale Research

Ces décès sont directement liés à la captivité :

  • Maladies dues au chlore (peau, poumons, yeux)
  • Baisse des défenses immunitaires engendrée par le stress, favorisant les maladies opportunistes (ulcères, maladies fongiques liées aux traitements antibiotiques, qui rongent littéralement l’évent des dauphins)
  • Maladies rénales dues à la difficulté d’hydrater un cétacé (d’où les intubations)
  • Stress qui engendre des bagarres (impliquant le décès de 2 nouveaux-nés ces dernières années), usure des dents des orques jusqu’à la pulpe (les orques trompent l’ennui en mâchonnant les bords de béton et les barreaux métalliques).
  • Aileron dorsal affaissé
  • Nombreuses stéréotypies…

Toutes ces pathologies sont imputables à l’enfermement.

Plusieurs pays ont déjà interdit la captivité des cétacé et l’Inde a même été plus loin en déclarant que les cétacés devaient être considérés comme des personnes non-humaines.

L’arrêté de Madame Royal ayant été abrogé, le sort des dauphins est toujours régi par un arrêté datant de 1981 !

Il est urgent que la France prenne des mesures car en attendant les parcs continuent de faire reproduire leurs animaux avec toutes les conséquences désastreuses que cela impose à ces delphineaux et à leur mère lors des séparations, de leur imposer des tours de piste contre nature, de les maintenir en plein soleil, dans le bruit et les feux d’artifice, de les forcer à se faire tripoter ou à s’échouer sur les bords du bassin, de les séparer après les spectacles et de les maintenir sous le seuil de la faim avant les spectacles…

Vous ne verrez jamais de spectacle sans seau de poissons aux pieds du soigneur.

L’opinion publique qui avait salué l’arrêté du 3 mai 2017 est favorable à la fin de cette captivité comme le montre le sondage IFOP de novembre 2018:
70% des personnes interrogées sont opposées à la captivité pour le divertissement et 86% se disent favorable à la création de sanctuaires marins pour la réhabilitation des animaux captifs.

En outre près de 96.000 personnes ont déjà signé la pétition mise en ligne en juillet 2019 demandant de mettre un terme à cette souffrance.
Depuis 5 ans nous avons rencontré les différents ministères de l’écologie et participé aux différents groupes de travail.

Nos demandes sont claires et peu coûteuses en investissements :

  • Interdire la reproduction des cétacés et l’importation de nouveaux individus
  • L’arrêt de tout ce qui peut être douloureux et stressant pour les animaux
  • L’installation de zones ombragées
  • La possibilité de créer des sanctuaires.


Nous ne souhaitons nullement mettre en difficulté les parcs: en effet, l’espérance de vie des dauphins leur laisse une vingtaine d’années pour s’adapter.

L’exhibition d’animaux aussi intelligents et sensibles n’a plus sa place en France au XXIe siècle.

Nous attendons les mesures fortes promises par le gouvernement!








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