C'est assez

Australie – Les dauphins apprennent de leurs congénères une surprenante technique de chasse

26 juin 2020 – Par Virginia Morell

Des dauphins utilisent des coquillages vides pour piéger des poissons. C’est la première fois que des scientifiques démontrent que des mammifères marins peuvent apprendre de leurs congénères et pas uniquement de leur mère.

Dans les eaux cristallines de Shark Bay, en Australie-Occidentale, des scientifiques ont observé un comportement inhabituel chez des grands dauphins : ils guident des poissons dans les coquilles vides d’escargots géants, ramènent les coquilles à la surface, puis les secouent vigoureusement pour faire tomber leur proie dans leur gueule, comme un humain le ferait quand il vide un sac de pop-corn.

Cette technique de chasse connue sous le nom de « Shelling » leur garantit un repas.
C’est le deuxième cas connu de dauphins utilisant des outils, le premier ayant été observé en 1997 lorsque des chercheurs ont découvert que les grands dauphins portaient des éponges marines sur leur rostre pour le protéger quand ils recherchent du poisson sur les fonds marins.

Les chercheurs ont montré qu’en plus de transmettre leur savoir de mère à enfant (transmission verticale) les dauphins de Shark Bay apprennent et se transmettent cette technique, le shelling, entre adultes (transmission horizontale).

C’est la première fois que l’on découvre chez ces mammifères un apprentissage social impliquant l’utilisation d’un outil – et un exemple rare de cet apprentissage dans le règne animal.


Les scientifiques qui étudient le comportement culturel des primates ont montré que l’apprentissage social se retrouve généralement chez les espèces qui tolèrent facilement la présence de congénères à proximité pour la recherche de nourriture et se transmettent leur savoir (Exemples : Utilisation d’outils comme des brindilles pour attraper des termites, ou de feuilles pour ingérer un liquide)

Pour ce qui concerne les dauphins, les scientifiques ont remarqué que le « shelling » est devenu plus fréquent suite à une vague de chaleur au large de l’Australie-Occidentale en 2011. 
Les températures élevées ont conduit à la mort de nombreux gastéropodes, dont des escargots de mer.
« Nous pensons que les dauphins ont profité de cette hécatombe », a déclaré Sonja Wild, éthologue au Max Planck Institute of Animal Behavior. La saison suivante, dit-elle, il y a eu « une incroyable progression » du shelling, ce qui lui a permis de découvrir la façon dont les jeunes dauphins adultes apprenaient ce comportement de leurs congénères.

Au cours des études menées dans la baie entre 2007 et 2018, Wild et ses collègues ont documenté près de 5300 rencontres avec des groupes de dauphins et identifié plus de 1000 dauphins. Ils ont également observé que 19 dauphins, issus de trois lignées génétiques, s’adonnaient à cette technique du shelling et ce à 42 reprises.

Pour comprendre comment un groupe aussi disparate avait appris cette technique, l’équipe s’est tournée vers l’analyse des cercles sociaux, en tenant compte des relations génétiques, des facteurs environnementaux et des animaux avec lesquels les dauphins préféraient passer du temps. 

En analysant les données, ils ont constaté que le shelling se transmet horizontalement au sein des générations (c’est-à-dire d’un ami à un autre) plutôt que verticalement entre les générations (de la mère au petit).
« C’est une excellente étude », déclare Richard Connor, éthologue et expert des dauphins à l’université du Massachusetts, à Dartmouth, qui n’a pas participé aux travaux. « Elle ajoute une autre technique à une incroyable gamme de tactiques spécialisées pour la recherche de nourriture », utilisées par les dauphins, les orques et les cachalots.
Mme Wild pense que le shelling commence chez les adultes. « Mais plus un jeune dauphin passe de temps avec un spécialiste de cette technique », dit-elle, « plus il est probable qu’il apprenne » cette technique et la transmette à d’autres plus tard. »

« Cette capacité à apprendre des autres peut aider les dauphins à s’adapter à des environnements changeants, en propageant rapidement de nouveaux comportements leur permettant de se nourrir lorsque la nourriture devient rare. »
Néanmoins, comme les jeunes dauphins passent plus de 30 000 heures avec leur mère, il est possible que certains d’entre eux aient appris cela de leur mère, explique Janet Mann, experte en dauphins à l’université de Georgetown. Il est considéré comme plus exigeant cognitivement d’apprendre une compétence comme le shelling d’un individu sans lien de parenté car l’apprenant et le démonstrateur doivent être « socialement tolérants », surtout lorsqu’ils chassent.
Traduction : C’est assez ! 

Crédit photos : ©Sonja Wild


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