Par Bethany Augliere – le 16 octobre 2019
Les jeunes dauphins dont les mères sont nourries par des bénévoles lors d’activités d’écotourisme ont beaucoup moins de chances de survie.
Au large des côtes de Bunbury, en Australie occidentale, les touristes s’approchent des grands dauphins sauvages de l’Indo-Pacifique, qui jour après jour, sont attirés par les poissons donnés par des bénévoles.
Les dauphins de Bunbury sont déjà menacés par le trafic maritime et l’expansion du port. Au cours des 20 prochaines années, leur population qui est actuellement d’environ 200 individus devrait diminuer de 50 %.
Bien qu’il soit facile de penser qu’un don permettrait de sauver ces dauphins en péril, une nouvelle recherche menée par Valeria Senigaglia, étudiante au doctorat à l’Université Murdoch en Australie, suggère que ce programme d’alimentation axé sur le tourisme fait plus de mal que de bien.
« Parmi les nombreuses variables qui peuvent affecter la survie d’un bébé dauphin, ce serait le fait que la mère soit nourrie sur la plage à des fins touristiques qui est le plus préjudiciable », dit Senigaglia.
Le nourrissage des mammifères marins est illégal en Australie, mais le gouvernement l’autorise dans quatre sites écotouristiques, dont Bunbury. S’appuyant sur des données recueillies de 2007 à 2016, Senigaglia a examiné les taux de survie des bébés nés de 63 dauphins femelles, dont huit ayant été nourries à Bunbury. L’étude a examiné plusieurs facteurs, y compris les phénomènes climatiques comme El Niño et La Niña, qui influent sur la disponibilité des proies, et les perturbations humaines comme le bruit, la pollution et la navigation.
Au final, c’est le programme de nourrissage qui a eu l’effet le plus néfaste. Senigaglia a constaté que seulement un tiers des bébés de mères nourries avaient survécu jusqu’au sevrage (vers l’âge de trois ans), alors que les bébés de mères non nourries avaient un taux de survie de 75 %.
Senigaglia pense que les jeunes manquent d’apprentissage et de protection parce que leurs mères passent beaucoup de temps à quémander les poissons sur la plage. Les dauphins restent à l’abri des prédateurs en restant avec le groupe, et les bébés apprennent de leurs mères et en jouant avec leurs pairs, formant des alliances qui les aideront plus tard. Sans ces relations, les bébés sont plus vulnérables.
Cette découverte s’inscrit dans le cadre d’observations similaires faites dans la réserve de Monkey Mia, un autre site australien où le nourrissage des dauphins est légal. En se basant sur des données recueillies dans les années 1990, Janet Mann, une mammalogiste marine de l’Université Georgetown à Washington, DC, a découvert que les mères dauphins de la réserve qui passaient la majeure partie de la journée à se nourrir, abandonnaient leurs petits les laissant se débrouiller seuls. Par conséquent, le taux de mortalité des petits était d’environ 90 pour cent.
Encouragé par ces résultats, le ministère australien de la Biodiversité, de la Conservation et des Attractions a limité le nombre de dauphins qui pouvaient être nourris à Monkey Mia, la durée durant laquelle chacun pouvait rester dans l’aire d’alimentation et la quantité de poissons qui leur était donnée. Le renforcement des contrôles a porté ses fruits : le taux de survie des bébés dauphins a atteint près de 90 pour cent. (Des contrôles similaires ne sont pas en place à Bunbury.)
Les gens qui nourrissent les dauphins peuvent également leur faire du mal de différentes manières.
Randall Wells, biologiste de la conservation de la Société zoologique de Chicago, a passé 50 ans à étudier les effets de l’alimentation illégale des grands dauphins de l’Atlantique à partir de leurs bateaux à Sarasota Bay, en Floride. Là, dit-il, l’alimentation fait que les dauphins mendient plus souvent, une habitude qu’ils transmettent à leurs petits. En changeant les comportements de chasse des dauphins, les gens n’ont pas seulement un impact sur les individus qui sont nourris. « Votre impact est beaucoup plus important », déclare M. Wells.
C’est probablement également vrai à Bunbury. « J’ai vu des dauphins passer littéralement toute la journée d’un bateau de tourisme à l’autre », explique Senigaglia. « C’est un réel problème. »
M. Wells affirme qu’avec des données aussi précises en main, il est temps pour les administrateurs de Bunbury d’agir. Bien qu’il reconnaisse qu’à Bunbury, qui attire au moins 60 000 touristes par an, « l’intérêt économique semble compliquer les choses ».
Le fait que quelques bébés dauphins soient morts dans la réserve de Monkey Mia ou à Bunbury ne représente peut-être pas une grande menace pour les populations mondiales de dauphins, mais M. Mann insiste sur le fait que les perdre est un problème éthique. Ces dauphins sont connus en tant qu’individus : ils ont des noms et les gens connaissent leur histoire. « Si vous les traiter en tant qu’individus, alors vous avez une responsabilité envers eux en tant qu’individus », dit-elle. « C’est précisément parce que ce sont des individus que les gens se soucient d’eux. »
Traduction : C’est assez !
Crédit photos :
Photo 1 : ©Alan Chandler/Alamy Stock Photo
Photo 2 : © Troy Mayne
Source : When Dolphin Moms Are Fed by People, Their Babies Suffer – Hakai Magazine
Photo 2 : © Troy Mayne
Source : When Dolphin Moms Are Fed by People, Their Babies Suffer – Hakai Magazine