Tribune initiée par C’est Assez! et publiée sur le site de Libération le 31 juillet 2017.
Alors que le Conseil d’Etat examine ce lundi un recours contre l’arrêté Royal interdisant la reproduction des dauphins en captivité, des personnalités telles que Matthieu Ricard, Véronique Sanson ou Sonia Rolland demandent que les animaux captifs soient transférés dans des baies de réhabilitation.
Aujourd’hui, lundi 31 juillet 2017, le Conseil d’État saisi par trois delphinariums français juge en référé le recours d’annulation de l’arrêté Ségolène Royal. En effet, le 6 mai dernier, la France a interdit la reproduction des cétacés captifs (et donc à terme de leur captivité) en publiant un arrêté historique au Journal officiel (arrêté Royal). Trois parcs – Marineland, Planète Sauvage et Astérix – ont donc dénoncé cet arrêté au nom du bien-être animal, de leurs recherches scientifiques supposées indispensables et d’un chiffre d’affaires important !
Quand on connaît le nombre de bébés dauphins morts dans ces parcs, on peut sérieusement douter de l’objectivité de ces entreprises.
Le 17 juillet dernier, au Parc Astérix, le nouveau-né de la jeune femelle dauphin Aya est mort à l’âge de 6 jours. Auparavant, on lui avait retiré son fils de 4 ans pour l’envoyer à Planète Sauvage où il est mort en novembre 2016. En octobre dernier, c’est Femke femelle dauphin du Parc Astérix qui accouchait d’un bébé mort-né. 4 mois plus tôt, on lui avait enlevé son enfant pour l’envoyer dans un parc en Grèce. En Europe, la France est en 3e position en nombre de cétacés captifs. Orques et dauphins ont un néocortex extrêmement complexe, ils ont conscience d’eux-mêmes et de leurs congénères. Ce sont des êtres vivants doués de sensibilité (1). Parler de bien-être alors qu’ils sont emprisonnés semble ironique.
Alors qu’ils ne doivent pas souffrir de faim, de soif et de malnutrition, les cétacés captifs sont nourris de poissons décongelés et abreuvés par intubation dans l’estomac.
Alors qu’ils ne doivent pas souffrir d’inconfort physique et thermique, les zones d’ombre sont quasi inexistantes et la présence du chlore, même infime, brûle leur peau, leurs yeux et leurs poumons (2).
Alors qu’ils ne doivent pas souffrir de douleurs, de blessures ou de maladies, un dauphin au Marineland meurt en moyenne à l’âge de 14 ans et 9 mois, 12 ans et 4 mois au Mooréa Center, 8 ans et 9 mois à Planète Sauvage et 6 ans au Parc Astérix. Depuis 1970, date d’ouverture des delphinariums en France, 12 orques et 52 dauphins y sont morts (3).
Alors que les cétacés doivent pouvoir exprimer les comportements naturels propres à leur espèce, certains individus flottent tels des bouchons et présentent des comportements de stéréotypies. Au fur et à mesure des reproductions en delphinarium, le patrimoine génétique dérive peu à peu et la consanguinité augmente petit à petit.
Enfin, alors que les cétacés en captivité ne doivent pas éprouver de peur ou de détresse, certaines mères dont le petit a été retiré ou perdu suite à une fausse couche, sont en souffrance psychologique ; à l’image de Femke, une femelle dauphin du Parc Astérix qui aujourd’hui se laisse dériver (voire mourir).
«La captivité nuit gravement à la santé des cétacés»
Pour ces raisons, il n’est pas possible de garantir un quelconque bien-être aux cétacés en captivité. Les témoignages d’anciens dresseurs, comme John Hargrove du Marineland, se multiplient et vont dans ce sens : «La captivité nuit gravement à la santé des cétacés». C’est pourquoi nous demandons que les animaux captifs soient transférés dans des baies de réhabilitation où de vraies recherches scientifiques pourraient avoir lieu.
À des fins de conservation et de découvertes scientifiques, les chercheurs tentent de justifier le maintien de la captivité. Cependant, que vaut le résultat d’une étude menée sur une population captive alors que ses conditions de vie sont incomparables aux conditions de la vie sauvage ?
Les recherches sur la cognition, l’acoustique et le sens magnétique des dauphins doivent être encouragées en milieu sauvage. Les résultats doivent en priorité servir à la protection des cétacés, même s’ils ne sont pas encore tous menacés. Puisque l’on ne peut protéger efficacement que ce que l’on connaît, les soigneurs et les chercheurs aimant et travaillant au contact des animaux captifs doivent maintenant les accompagner vers leur réhabilitation. Les responsables des delphinariums, prêts à investir des millions dans de nouveaux bassins, doivent allouer ces sommes à la construction de baies en semi-liberté et dans des centres de sauvetage des cétacés qui s’échouent chaque année sur nos côtes.
Afin de redorer leur image, montrer l’exemple et ne pas aller à contre-courant de l’histoire soutenue par des milliers de citoyens, la captivité des cétacés dans des bassins en béton doit prendre fin. Les enjeux sont importants et leur souffrance est inacceptable.
En 2013, l’Inde accordait aux dauphins le statut de personne non-humaine. En Europe les delphinariums ferment peu à peu, c’est pourquoi la France ne doit pas faire marche arrière. Nous demandons la fermeture des delphinariums en France ainsi que la réhabilitation des cétacés captifs dans des sanctuaires marins adaptés.
Signataires :
Nagui (animateur), Véronique Sanson (auteure compositrice interprète), Francis Lalanne (auteur, compositeur interprète), Sonia Rolland (comédienne et réalisatrice), Allain Bougrain Dubourg (journaliste et producteur), Jacques Cluzaud (réalisateur), Guillaume Meurice (humoriste), Guillaume Pot(journaliste et animateur), Matthieu Ricard (biologiste), Dany Saval (actrice).
(1) Article L.515-14 du code civil : «Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens.» (loi n°2015-177 du 16 février 2015).
(2) Articles 6 et 9 de l’arrêté du 3 mai impose que les installations d’hébergement permettent aux animaux de se soustraire au rayonnement lumineux en cas de fort ensoleillement et interdit l’utilisation de produits chlorés d’ici au 7 novembre 2017.
(3) Etude réalisée à partir des relevés de terrain de l’association C’est assez ! dans les delphinariums français depuis leurs ouvertures respectives.