UN RISQUE MAJEUR DE TRANSMISSION DE ZOONOSES
Cette lettre commune adressée à l’Organisation Mondiale de la
Santé (OMS), rappelle, source à l’appui, que l’épidémie de COVID-19 trouve vraisemblablement son origine dans
des marchés d’animaux sauvages en Chine,
où elle aurait été transmise à l’homme à cause de la proximité directe entre
les animaux et les humains.
Entre 2002 et 2003, le syndrome
respiratoire aigu sévère (SRAS), dû à un coronavirus qui serait lui aussi
apparu sur des marchés d’animaux
sauvages, a entraîné la contamination de plus de 8 000 personnes dans 29
pays, et 774 décès. Faute d’interdiction
permanente de tous les marchés d’animaux sauvages, une maladie similaire,
mais plus grave, a alors pu se développer.
60 % des maladies
infectieuses émergentes sont zoonotiques et 70 % d’entre elles
proviendraient d’animaux sauvages. D’ailleurs, les zoonoses sont responsables de plus de deux milliards de cas de
maladies chez l’être humain et de plus de deux millions de décès chaque année.
L'OMS doit PRENDRE POSITION
Le risque de
transmission des zoonoses est renforcé par l’absence de réglementation et
les mauvaises conditions d’hygiène des marchés
d’animaux sauvages, où la proximité entre les humains et les animaux
facilite la propagation des pathogènes.
C’est pourquoi, les 241
organisations signataires appellent l’Organisation Mondiale de la Santé à affirmer
publiquement et sans équivoque le lien avéré entre ces marchés et les lourdes
menaces qui pèsent sur la santé humaine. Nous appelons également à l’interdiction immédiate et permanente, à
l’échelle planétaire, des marchés d’animaux sauvages et leur utilisation
dans le cadre de la médecine
traditionnelle.
Pour lire la version originale de la lettre, cliquez ici.
LA LETTRE OUVERTE (VERSION FRANÇAISE)
Dr Tedros Adhanom
Ghebreyesus
Organisation mondiale de la Santé
Avenue Appia 20
1211 Genève
Suisse
Organisation mondiale de la Santé
Avenue Appia 20
1211 Genève
Suisse
Dr Zhang Qi
Coordinateur de l’unité de médecine traditionnelle et complémentaire (MTC)
Département Prestation de services et sécurité
Organisation mondiale de la Santé
Avenue Appia 20
1211 Genève
Suisse
Coordinateur de l’unité de médecine traditionnelle et complémentaire (MTC)
Département Prestation de services et sécurité
Organisation mondiale de la Santé
Avenue Appia 20
1211 Genève
Suisse
Le 7 avril 2020
À l’attention du Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus et du Dr
Zhang Qi
Covid-19 : risques sanitaires et marchés d’animaux sauvages1 – nécessité d’une interdiction mondiale
permanente des marchés d’animaux sauvages et de l’adoption d’une approche de
précaution face au commerce d’animaux sauvages.
Les organisations soussignées remercient et saluent l’Organisation mondiale de la Santé pour ses efforts afin d’enrayer la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19).
Les organisations soussignées remercient et saluent l’Organisation mondiale de la Santé pour ses efforts afin d’enrayer la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19).
À l’occasion de la Journée mondiale de la santé, au cœur
d’une pandémie mondiale qui trouve vraisemblablement son origine dans un marché
d’animaux sauvages vivants, nous appelons l’OMS à affirmer publiquement et sans
équivoque le lien avéré entre ces marchés et les lourdes menaces qui pèsent sur
la santé humaine. Dans le cadre de sa mission officielle qui vise à préserver
la santé publique en toutes circonstances, nous exhortons l’OMS à demander aux
gouvernements du monde entier d’interdire de façon permanente les marchés
d’animaux sauvages vivants et l’utilisation d’animaux sauvages dans le cadre de
la médecine traditionnelle. Cette action décisive, s’inscrivant pleinement dans
le mandat de l’OMS, serait une première étape cruciale vers l’adoption d’une approche
de précaution quant au commerce d’animaux sauvages, qui présente un risque pour
la santé publique à l’échelle mondiale.
Si
une réponse mondiale forte est indispensable pour dépister, traiter et limiter
la transmission de cette maladie, il est tout autant nécessaire de prendre des
mesures pour éviter que de nouvelles maladies infectieuses similaires
n’évoluent en pandémies, avec les menaces que cela comporte pour la vie humaine
et le bien-être économique et social.
L’épidémie
de COVID-19 trouve vraisemblablement son origine dans des marchés d’animaux
sauvages en Chine, où elle aurait été transmise à l’homme grâce à la proximité
directe entre les animaux et les humains.2 Selon certaines études, les chauves-souris et
les pangolins pourraient avoir joué un rôle dans la transmission du virus à
l’homme3.
Soulignons cependant que l’environnement qui a rendu possible cette
transmission est le fruit des actions humaines.
Ces
dernières années, les animaux sauvages ont été plusieurs fois à l’origine de maladies
infectieuses. Entre 2002 et 2003, le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS),
dû à un coronavirus qui serait lui aussi apparu sur des marchés d’animaux
sauvages en Chine, a entraîné la contamination de plus de 8 000 personnes dans
29 pays, et 774 décès4. Faute d’interdiction permanente de tous les marchés
d’animaux sauvages, une maladie similaire, mais plus grave, a alors pu se
développer. Il existe d’autres maladies zoonotiques graves dont la transmission
a été associée aux animaux sauvages, comme Ebola, le MERS, le VIH, la
tuberculose bovine, la rage ou encore la leptospirose.
Les zoonoses sont responsables de plus de deux milliards de
cas de maladies chez l’être humain et de plus de deux millions de décès chaque
année.5 Il est difficile de savoir combien de ces cas
sont dus directement ou indirectement à des animaux sauvages, en raison de
réservoirs partiellement communs dans les populations d’animaux domestiques et
d’animaux sauvages. Néanmoins, étant donné l’importance des animaux sauvages
comme réservoirs de maladies émergentes, l’origine des zoonoses est une
question primordiale. Soixante pour cent (60 %) des maladies infectieuses
émergentes sont zoonotiques et 70 % d’entre elles proviendraient d’animaux
sauvages.6
Le
risque de transmission des zoonoses est renforcé par l’absence de
règlementation et les mauvaises conditions d’hygiène des marchés d’animaux
sauvages, où la proximité entre les humains et les animaux facilite la
propagation des pathogènes. Ce risque est en outre aggravé par les conditions
d’élevage ou de capture des animaux, ainsi que par leurs conditions de
transport et d’attente sur ces marchés, où un grand nombre d’animaux de
différentes espèces sont entassés les uns sur les autres, ce qui entraîne inévitablement
un énorme stress et affaiblit leur système immunitaire. Ces conditions, ainsi
que la proximité entre les animaux sauvages et les humains sur les marchés,
offrent le cadre idéal à la multiplication des pathogènes, à leur propagation
et à leur transmission potentielle aux humains.
Les
pangolins, qui, selon certains chercheurs, pourraient avoir joué un rôle dans
la transmission du COVID-19, sont souvent utilisés comme ingrédients dans la
médecine traditionnelle, comme de nombreux autres animaux sauvages tels que les
tortues, les léopards, les tigres, les lions et les ours. Des injections de
bile d’ours sont d’ailleurs officiellement recommandées pour traiter le
COVID-19.7 Ces animaux sont élevés ou braconnés dans la
nature pour répondre à la demande – une pratique totalement inutile compte tenu
des alternatives viables reconnues par la médecine traditionnelle, à base de
plantes ou d’agents d’origine non animale. Le risque de transmission de
maladies est présent dans tous les aspects du commerce d’animaux sauvages, qui
fournit des produits au secteur de la médecine traditionnelle. La tuberculose
bovine, par exemple, a été détectée chez des lions sauvages et élevés en
captivité, ce qui présente un risque de zoonose pour les consommateurs et les
personnes qui interviennent dans le commerce des os de lion, en particulier
celles qui travaillent dans les élevages et les structures d’abattage et de
transformation en Afrique du Sud. Les reptiles tels que les serpents et les
geckos, également utilisés dans la médecine traditionnelle, ont souvent été à
l’origine de salmonellose chez l’homme.8
Si
la médecine traditionnelle est un système médical reconnu dans de nombreux pays
et cultures, et qu’elle peut jouer un rôle thérapeutique important, la grande
majorité de ses ingrédients sont à base de plantes et de minéraux, et il existe
des centaines d’alternatives reconnues aux ingrédients d’origine animale. Le
commerce d’animaux sauvages et d’éléments et de produits qui en sont issus pour
la médecine traditionnelle est inutile et indéfendable, compte tenu des risques
qu’il comporte pour la santé publique à l’échelle mondiale. Des études ont mis
en évidence que plus de 80 % des personnes ayant recours à la médecine
traditionnelle accepteraient de remplacer les produits issus d’animaux sauvages
par des produits à base de plantes ou des agents synthétiques.9,10 En Chine, des universitaires ont déclaré
qu’interdire la consommation d’animaux sauvages n’était pas suffisant pour
protéger la population des maladies associées aux animaux sauvages et ont
appelé le gouvernement à encourager l’abandon de l’élevage d’animaux sauvages
pour la médecine traditionnelle.11
Les
politiques et les pratiques qui soutiennent le commerce d’animaux sauvages
comportent un risque énorme et imprévisible pour la santé publique, qui
pourrait entraîner de futures épidémies et pandémies de maladies zoonotiques à
l’échelle mondiale.
L’impact
du COVID-19 sur le plan de la mortalité, de la santé physique et mentale, de
l’économie mondiale, des moyens de subsistance et de la qualité de la vie
publique a été extrêmement dévastateur et ne peut pas être sous-estimé. À
l’heure où nous écrivons, 783 360 cas confirmés de COVID-19 ont été
enregistrés, ainsi que 37 203 décès, dans 206 pays. Selon les calculs de l’ONU
et d’autres experts, la pandémie de COVID-19 pourrait coûter à l’économie
mondiale entre 1 000 et 2 700 milliards de $ US, et la récession mondiale
qu’elle entraîne va obliger les États à mettre en place des plans de relance
extrêmement coûteux.12,13
Combattre
une pandémie mondiale engendre des coûts largement supérieurs à ceux d’une
prévention en amont, y compris avec l’interdiction des marchés d’animaux
sauvages vivants et le financement de l’action mondiale coordonnée nécessaire
pour mettre fin au commerce d’animaux sauvages.
En
conclusion, la demande, en matière d’animaux sauvages et de produits issus
d’animaux sauvages, est une des premières causes d’émergence et de propagation
des zoonoses ; à ce titre, elle présente un risque grave pour la santé publique
à l’échelle mondiale. Nous appelons l’Organisation mondiale de la Santé à
reconnaître le rôle important qu’elle peut jouer pour limiter ces risques
sanitaires mondiaux.
Par
conséquent, nous exhortons instamment l’Organisation mondiale de la Santé :
● À demander aux gouvernements du monde entier d’instaurer
l’interdiction permanente des marchés d’animaux sauvages vivants, étant donné
le lien irréfutable entre ces marchés et les menaces avérées qu’ils
représentent pour la santé humaine.
● À demander aux gouvernements d’examiner les risques potentiels que présente le commerce d’animaux sauvages pour la santé humaine – y compris la capture à l’état sauvage, l’élevage dans des fermes ou des réserves, le transport et la vente sur des marchés physiques ou en ligne, quelle qu’en soit la finalité – et de prendre des mesures pour interdire ce commerce ou le limiter afin de réduire ces risques.
● À exclure catégoriquement l’utilisation d’animaux sauvages, y compris de ceux élevés en captivité de sa définition de la médecine traditionnelle et à ne pas la reconnaître dans ce cadre, ainsi qu’à revoir la Stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle 2014-2023 en conséquence afin de refléter ce changement.
● À aider les gouvernements et à coordonner l’action de l’Organisation mondiale du commerce, de l’OIE et d’autres organisations multilatérales dans le monde en matière de sensibilisation pour faire connaître clairement les risques du commerce d’animaux sauvages pour la santé publique, la cohésion sociale, la stabilité économique, l’ordre public et la santé individuelle.
● À soutenir et à encourager les initiatives proposant d’autres sources de protéines aux consommateurs d’animaux sauvages, afin de réduire davantage les risques pour la santé humaine.
● À demander aux gouvernements d’examiner les risques potentiels que présente le commerce d’animaux sauvages pour la santé humaine – y compris la capture à l’état sauvage, l’élevage dans des fermes ou des réserves, le transport et la vente sur des marchés physiques ou en ligne, quelle qu’en soit la finalité – et de prendre des mesures pour interdire ce commerce ou le limiter afin de réduire ces risques.
● À exclure catégoriquement l’utilisation d’animaux sauvages, y compris de ceux élevés en captivité de sa définition de la médecine traditionnelle et à ne pas la reconnaître dans ce cadre, ainsi qu’à revoir la Stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle 2014-2023 en conséquence afin de refléter ce changement.
● À aider les gouvernements et à coordonner l’action de l’Organisation mondiale du commerce, de l’OIE et d’autres organisations multilatérales dans le monde en matière de sensibilisation pour faire connaître clairement les risques du commerce d’animaux sauvages pour la santé publique, la cohésion sociale, la stabilité économique, l’ordre public et la santé individuelle.
● À soutenir et à encourager les initiatives proposant d’autres sources de protéines aux consommateurs d’animaux sauvages, afin de réduire davantage les risques pour la santé humaine.
Nous
vous remercions de l’attention que vous porterez à cette question et restons à
votre disposition.
Cordialement
1 Dans le présent document,
l’expression « animaux sauvages » désigne la faune sauvage à l’état de liberté
ou élevée en captivité.
2 Shereen, M.A., Khan, S.,
Kazmi, A., Bashir, N. et Siddique, R., 2020. COVID-19 infection: origin,
transmission, and characteristics of human coronaviruses. Journal of Advanced
Research.
3 Andersen, G.A., Rambaut, A.,
Lipkin, W.I. et al. The proximal origin of SARS-CoV-2. Nat Med (2020)
4 Organisation mondiale de la
Santé. Synthèse des cas probables de SRAS
avec apparition de la maladie entre le 1er novembre 2002 et le 31 juillet 2003
5 Grace, D., Mutua, F.,
Ochungo, P., et al. Mapping of poverty and likely zoonoses hotspots. Zoonoses
Project.. Rapport pour le ministère britannique du Développement
international. 2012
6 Jones, K.E., Patel, N.G., et
al. Global trends in emerging infectious diseases. Nature. 2008
7Agence chinoise de Médecine, Bureau général de la Santé et
Commission de la santé. Avis concernant la publication d’un
nouveau plan de diagnostic et de traitement de la pneumonie à coronavirus
(version d’essai 7), publié le 3 mars 2020.
8 Mermin, J., Hutwagner, L.,
Vugia, D., et al. Reptiles, Amphibians, and Human Salmonella Infection: A
Population-Based, Case-Control Study. Clinical Infectious Diseases 38 (Supp 3).
2004
9 Société mondiale de
protection des animaux. Cruel Cures – The industry behind bear bile production
and how to end it. 2020
10 Moorhouse, T.P., Coals,
P.G.R., D’Cruze, N., Macdonald, D.W. Reduce or redirect? Which social marketing
interventions could influence demand for traditional medicines? Biological
Conservation 242.2020
11 Wang, H., Shao, J., Chuai,
Z., et al. Wildlife consumption ban is insufficient. Science. Vol. 367, numéro
6485. 2020
12 Conférence des Nations Unies sur le
commerce et le développement. Coronavirus: Can policymakers avert a
trillion-dollar crisis ? 9 mars 2020
Crédit photos :
© BAY ISMOYO - AFP
© SOUTH CHINA MORNING POST